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La disparition des bistrots de village s’accélère

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N’en déplaise à l’innovation, le café a été de tous temps le premier réseau social des territoires. Alors où sont passés les 600 000 bistrots qui existaient en France en 1960 ? Ils n’étaient plus que 34 000 en 2016 (1). Et aujourd’hui, sur les 32 212 communes françaises, 26 000 n’ont plus de cafés alors que ces établissements sont au cœur de l’écosystème des villages. 

L’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH), à l’occasion des Assises de la ruralité qui se sont tenues à Rodez le 9 avril, réagit en présentant un manifeste « Cafés, Hôtels, Restaurants : le cœur battant de nos villages » avec sept priorités pour réveiller les territoires ruraux. Ce manifeste sera adressé au Gouvernement, aux parlementaires, Président de départements et Présidents de Régions, et aux élus locaux via les fédérations départementales UMIH. Enjeu de société ?
 
En Anjou, dans le petit village de Chanzeaux, seul le petit café du coin résistait encore. Le bureau de poste a fermé, la boulangerie vient de tirer le rideau. Pourtant, des dizaines de petites maisons ont poussé comme des champignons dans les champs. L’air est doux, la campagne calme et l’école accueille les enfants des familles nouvellement arrivées d’Angers à une vingtaine de kilomètres. Le « bon coin » va donc fermer. Plus aucune activité commerçante dans le bourg d’à peine 1200 habitants. Nos villages vont-ils devenir des cités dortoirs ? 
Aujourd’hui, 26 000 communes en France n’ont plus de cafés alors que les établissements CHR (cafés, hôtels, restaurants) sont au cœur de l’écosystème des villages : ils sont créateurs d’emplois et de lien social, ils animent la vie du village, ils favorisent le déploiement d’une offre culturelle, ils participent à l’attractivité touristique des territoires, etc…
Leur rôle, essentiel dans le développement économique et social des territoires, est aussi largement reconnu par les Français. Selon un sondage IFOP pour l’UMIH, réalisé en mars 2018 auprès de 1012 personnes représentatives de la population française et présenté lors des assises :
– La contribution des cafés, hôtels, restaurants aux communes rurales est reconnue de manière quasi-unanime par les Français : 90 % des Français pensent que dans une commune rurale, la présence d’un CHR contribue à la vie économique et au lien social.
– Pour autant, ces commerces ne semblent pas toujours faciles à trouver : 68% des Français affirment avoir déjà eu des difficultés à trouver un hôtel, 54% un restaurant et 43% un café.
– Les Français plébiscitent la présence de services leur facilitant les échanges (accès wifi, distributeur d’argent, relai poste), ou la possibilité de trouver des produits locaux. La vente de produits du tabac ou des jeux à gratter apparait comme un service secondaire à proposer aux yeux des Français.
– La suppression des pré-enseignes dérogatoires est un frein au développement économique des CHR pour 85% des Français.

LIRE AUSSI DANS UP’ : Comment faire revivre nos villages et centres-bourgs ?

Très souvent une des premières choses que l’on fait lorsqu’on arrive dans un village, c’est de repérer le café du coin, le café sympa. Parfois il n’y en a qu’un, parfois il faut choisir le bon… Celui qui va raconter le lieu, dans lequel on est parachuté pour quelques heures ou quelques jours le temps de réaliser ses occupations. Celui qui va permettre d’apprivoiser un territoire et les gens qui y vivent. Et lorsque qu’il est choisi, il peut devenir « bureau », une source d’information, un repère dans notre périple. C’est rassurant un café, c’est vivant, on y apprend des tonnes de choses. »
 

Les 7 priorités de l’UMIH en faveur de la ruralité

1. S’engager : L’UMIH a annoncé la mise en place d’une Commission « Ruralité & Territoires », présidée par Michel MORIN, qui sera l’interlocuteur des élus locaux et des professionnels et qui sera chargée de suivre l’avancement des dossiers qui seront soumis. La réussite des entreprises CHR passe en effet par le conseil et l’accompagnement que l’UMIH est en mesure de leur apporter.
 
2. Assouplir les contraintes et favoriser la transmission des entreprises :
1. Assouplir, pérenniser et promouvoir le dispositif des Zones de Revitalisation Rurale (ZRR) : Afin de favoriser le maintien, le développement local et les embauches dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), les entreprises créées ou reprises avant le 31 décembre 2020 bénéficient d’exonérations fiscales sous certaines conditions liées notamment à l’effectif et à la nature de l’activité. Ce mécanisme existant est pourtant méconnu des élus et des entreprises alors qu’au 1er juillet 2017, 14 901 communes pouvaient en bénéficier.
2. Créer une 6ème catégorie d’ERP (Etablissements recevant du public) pour alléger les contrainte : Les petits établissements CHR font face à une réglementation contraignante, complexe et de plus en plus dense ; des normes impliquant des investissements qu’ils ne peuvent effectuer. Il existe des aménagements aux réglementations sécurité incendie et accessibilité pour les établissements hôteliers accueillant au maximum 20 personnes.
3. Supprimer le tarif majoré pour la contribution à l’audiovisuel public : La suppression du tarif majoré pour les téléviseurs installés dans les débits de boissons à consommer sur place de 3e et 4e catégories.
4. Mettre en place un dispositif « Entreprise Apprenante » pour les CHR en zone rurale : La mobilité est un frein chez les jeunes pour accéder à des formations qualifiantes. Elle est également une difficulté pour les établissements en zone rurale qui peinent à recruter des jeunes en alternance.
 
3. Rétablir les pré-enseignes dérogatoires pour les cafés, hôtels, restaurants
Depuis le 13 juillet 2015, les établissements situés hors agglomérations et dans les agglomérations de moins 10 000 habitants ont été dans l’obligation de retirer leurs pré-enseignes dérogatoires. Une pré-enseigne dérogatoire était un panneau de signalisation directionnel situé aux abords des communes à destination des usagers de la route et des touristes. Leur implantation était stratégique pour la survie de ces commerces.
 

4. Mieux gérer les licences IV
1. Créer un registre national des licences
2. Limiter le transfert des licences aux départements limitrophes
3. Créer une nouvelle licence IV pour les communes rurales qui n’en n’ont plus
 
5. Développer le tourisme rural : Une grande politique du tourisme doit profiter à l’ensemble des territoires.
1. Mettre en avant la richesse de nos territoires : Gastronomie, patrimoine, tourisme vert, oenotourisme… La richesse de nos territoires est un potentiel de croissance inestimable pour les touristes à la recherche d’authenticité et d’expérience. Pour assurer sa place de première destination mondiale, la France doit attirer les touristes sur tous ses territoires et pas seulement sur le littoral ou à Paris. 
2. Simplifier la gouvernance du tourisme au niveau local : Simplifier la gouvernance du tourisme au niveau local, en réduisant le millefeuille territorial (Office du Tourisme, Agence de développement touristique, Comités régionaux du Tourisme…) et en clarifiant les compétences de chacun. L’offre touristique territoriale gagnerait en efficacité, en compétitivité et en visibilité.
 
6. Agir pour le développement durable : Les établissements sont les prescripteurs des produits du terroir, ils sont donc particulièrement sensibles à la prise en compte du développement durable dans les territoires ruraux. La gestion des déchets devient un enjeu majeur également (nouvelles obligations réglementaires, mise en place de tarifications particulières de collecte dans un certain nombre de communes).
 
7. Développer le numérique : Les établissements situés en zone rurale sont dépendants de la couverture numérique pour attirer les clients et ainsi développer leur activité, mais également pour satisfaire la demande de la clientèle d’être connecté en permanence. Le très haut débit, en complément du bouche à oreille et des réseaux de proximité, représente l’outil idéal pour le déploiement promotionnel et économique des établissements CHR et du tourisme rural.
 
 
« Le café, l’hôtel, le restaurant, sont le cœur battant d’un village. Ils sont souvent le dernier commerce, riche en identité, le seul lieu de rencontre et d’animation. Leur présence est un rempart contre la désertification, contre le départ des jeunes et des actifs. Je suis convaincu qu’il y a un avenir pour nos établissements en zone rurale qu’il existe un avenir en dehors des grandes métropoles. Avec ces Assises, nous nous engageons pour une cause beaucoup plus large, un enjeu de société : la ruralité, porteuse d’espoir. S’installer, vivre dans une commune rurale, c’est aussi un choix de vie avec de formidables réussites. Et on pourrait réussir encore mieux si on mettait en œuvre nos propositions. Notre responsabilité est de lancer cette mobilisation d’envergure : la nôtre, mais également celle des communes, des agents économiques et de l’Etat. Notre plan d’actions est le point de départ de la reconquête des territoires ruraux. », déclarait Roland HEGUY, devant plus de 200 professionnels et élus locaux réunis à Rodez début avril.
 
Pour Michel MORIN, Président de la Commission Ruralité et Territoires de l’UMIH, « Nos villages, c’est ce qui fait la richesse de la France. Avec la commission Ruralité et Territoires de l’UMIH, que nous allons ouvrir à nos partenaires, mais également élus locaux, nous allons militer pour que les conditions, à la fois de création de nouveaux établissements, de développement et de maintien des établissements actuels, soient facilitées. »
 
La richesse des débats lors de ces assises ont révélé la pertinence et l’importance du  sujet Ruralité : de jeunes chefs d’entreprise venus témoigner de leur réussite professionnelle, des partenaires engagés pour offrir des solutions innovantes,  des élus et des maires déterminés pour le redéploiement économique et social de leurs territoires.
 

Un café ou un hôtel-restaurant suffisent-ils à faire revivre et mettre de l’énergie dans les communes rurales ?

Les CHR sont des capteurs de la vitalité d’une économie locale. Ni eux ni l’UMIH ne peuvent suffire à initier un tissu économique vertueux. D’autres branches doivent s’engager autour de la reconstruction de l’activité rurale. Cela passe par des mesures concrètes. Le plan d’actions de l’UMIH se veut le point de départ de la reconquête des territoires ruraux. C’est un objectif ambitieux et réalisable et d’intérêt national. Évidemment, la mise en œuvre de ces mesures exige l’engagement des pouvoirs publics. D’ailleurs, le Gouvernement semble envoyer des signes favorables, avec notamment le plan « Action cœur de ville » qui vise à redynamiser les centres-villes : 222 villes moyennes viennent d’être retenues pour ce programme qui prévoit une enveloppe de 5 milliards d’euros pour venir à bout de la désertification rurale.
 
Quant aux mairies, elles doivent tout faire pour faire travailler ces établissements : Selon, Vanik Berberian, Président de l’Association des maires rurraux de France (AMRF), il faudrait  organiser un vin d’honneur à chaque manifestation, à chaque commémoration. Mais aussi en accompagnant les gérants, en rachetant la licence IV, en mettant à disposition un bâtiment communal qu’on transforme. Mais il serait aussi nécessaire d’imaginer des allègements fiscaux et des exonérations tenant compte de la situation d’un commerce en milieu rural. Il faudrait aussi moins d’acharnement sur les normes qui obligent à des dépenses disproportionnées avec l’activité des commerces.
S’il n’y a pas d’activité économique dans certains villages, il faut révéler le facteur humain : En milieu rural, la notoriété ne se construit pas par les réseaux sociaux mais par le bouche-à- oreille. Quand la prestation est de qualité et quand le patron montre une convivialité hors du commun, le succès est au rendez-vous. Mais c’est toujours un équilibre fragile et la question du tissu économique en zone rurale reste entière. Vanik Berberian poursuit : « Ce que nous attendons, c’est que la ruralité cesse d’être une évocation nostalgique et que l’État investisse massivement dans les territoires au lieu d’agir en compensation. »
 

Nos cafés doivent se réinventer

Les causes du désamour sont diverses : 90% de la vente d’alcool se fait dans les hypermarchés. Autre cause, la gentrification des centres bourg où les riverains et les mesures de sécurité sont de moins en moins tolérants avec le bruit et les nuisances sonores, telles que la musique. Et bien sûr, la désertification des zones rurales.
Alors, et si nos cafés se transformaient ? Passant de simples débits de boissons en nouveaux lieux culturels ? Une nouvelle culture de bistrot ? Et quoi de mieux que la culture et la cuisine pour unir les gens ?
Le ministère de la Culture semble avoir pris la mesure de cette nécessaire mutation. Dans les zones rurales, il rachète des bâtiments afin de réinstaller des cafés culturels qui pourraient lutter contre la désertification des villages : concerts, expositions, … Le minitère a également créé en 2015 un fonds d’aide destiné à favoriser l’emploi artistique dans les cafés et restaurants, le GIP Cafés Cultures, notamment pour les cafés-concerts et des petits lieux de diffusion. Ce fonds est financé par les collectivités territoriales qui souhaitent déployer ce dispositif sur leur territoire et par des partenaires. A ce jour, et depuis 2015, 22 collectivités sont adhérentes, 604 CHR ont été demandeurs, 18 740 salariés aidés et plus de 500 000 euros attribués. Ce fonds constitue un soutien efficace pour tous ces lieux de vie et de proximité contribuant à façonner la société, en milieu urbain et en milieu rural. 
 
 
La demande de cafés de proximité n’a jamais été aussi forte. La volonté de renouer avec un lien social distendu, le dynamisme du tissu associatif, le développement du télétravail, la recherche de naturalité et de local, la raréfaction des services publics, tout concourt à réinstaller les cafés au cœur de nos villages. À l’heure des réseaux sociaux, le café peut redevenir le premier réseau social de proximité. Alors pourquoi ne pas les réinventer en encourageant des points multi-services (débit de boissons + petite épicerie ou vente de produits du terroir) ou l’accueil de services publics de proximité. Les cafés deviennent des lieux de conseil à l’image de l’initiative « le conseil du coin » lancée par les notaires puisque l’idée est de faire du conseil gratuit dans les cafés. Les notaires cassent ainsi les codes pour rappeler haut et fort que  l’accès au droit pour tous est un droit essentiel.
 
La redynamisation des cafés passe par une triple révolution de la qualité, de l’accueil et des services à condition d’engager un plan d’action global pour construire des territoires attractifs avec le concours de tous les acteurs.
 

 
(1) baromètre France boissons/CREDOC, «comprendre et répondre à la fragilisation de la filière CHR en France»
 
Pour aller plus loin :
 
– Livre blanc « Les cafés, une chance pour nos territoires » de Loïc Latour, Président de France Boissons – En partenariat avec l’AMRF (Association des Maires Ruraux de France), l’APVF (Association des Petites Villes de France) et eTerritoire, plateforme de promotion des territoires.
 

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